13/02/2016 : de la moisissure (Rhizopus stolonifer)


Pour cette observation, je me suis inspiré du livre d'Henri Coupin "Ce qu'on peut voir avec un petit microscope", qui propose des idées d'observations simples et intéressantes pour guider les débutants comme moi.

La première observation proposée est celle des moisissures dont l'étude est simple et variée. Je suivrai donc le manuel à la lettre en mettant sous cloche un morceau de pain imprégné d'eau. En quelques jours effectivement, la culture va bien prendre et la tranche de pain disparaître sous un enchevêtrement de filaments blancs et de petits points noirs.




Le livre explique que ces moisissures se sont développées grâce aux spores contenues dans l'air emprisonné par la cloche et qui se sont déposées sur le pain, trouvant là toute la nourriture et l'humidité dont elles avaient besoin pour germer et se développer.

Vu de plus près, ces moisissures forment un réseau de filaments qui se terminent par une petite boule en tête d'épingle, le plus souvent noire, mais parfois blanche.




Les filaments partent du pain et envoient de façon centrifuge leurs terminaisons se concentrer sur la surface du verre.




Grâce à l'aide du forum du site lenaturaliste.net, j'appendrai que cette moisissure correspond à un champignon microscopique qui se nomme Rhizopus stolonifer. C'est une moisissure très courante se développant à la surface d'aliments humides riches en glucides.

Bien, il est temps de regarder ça à plus fort grossissement !
Avec une pince à épiler, je prélève un peu de moisissure que je dépose sur une lame sèche. À la loupe binoculaire (zoom 4,5X), on voit bien les filaments qui forment un réseau de brindilles aplaties. Quant aux têtes d'épingles, elles ressemblent désormais à des chapeaux de champignons, recouverts d'une poudre granuleuse gris foncé. Cette poudre tombe au fond de la lame et sur les filaments.




Sous l'objectif 4X du microscope, toujours à sec, cette poudre foncée se révèle être une multitude de petits grains.




En passant au 40X, les grains sont maintenant des graines, allongées et dont la surface est striée longitudinalement.




Les petites boules font vraiment penser à des têtes de champignons (microscope, objectif 10X) :




Avant d'aller plus loin, faisons un petit point sur la description de cette moisissure. Sa page Wikipédia m'apprendra tout ce dont j'aurai besoin pour comprendre mes observations.
Ainsi, les spores de Rhizopus stolonifer présentes dans l'air, une fois déposées sur un substrat favorable, vont germer. Les expansions qu'elles envoient, ou mycélium, vont se déployer dans toutes les directions, pénétrer dans le substrat et l'envahir. En surface, ce mycélium envoie des filaments allongés, ou stolons (ce qui explique le nom latin de cette moisissure), qui se fixent au substrat par des systèmes d'attache semblables à des racines, apparaissant à intervalles réguliers et appelés rhizoïdes. Au-dessus du rhizoïde, le stolon emet quelques tiges dressées nommées sporocystophores, non ramifiées et groupées par 3 à 5. Chaque sporocystophore développe à son extrémité une formation globulaire, appelée sporocyste. Les noyaux et vacuoles, qui au début étaient disposés aléatoirement à l'intérieur du sporocyste, finissent par se réorganiser : les noyaux vont à la périphérie et les vacuoles au centre. Les noyaux après s'être multipliés par division mitotique vont devenir les spores, tandis que les vacuoles fusionnent pour former la columelle. Quand la paroi du sporocyste arrive à maturité, elle devient noire et donne à la moisissure sa couleur caractéristique. Puis, elle finit par éclater, ce qui libère les spores. Une fois les spores dispersées, la columelle s'effondre et prend la forme d'une ombelle. La sporulation s'effectuant en surface, les spores libérées pourront être emportées par le vent, les insectes ou l'eau et germer à distance pour produire un nouveau mycélium. C'est le cycle de reproduction asexuée, dit anamorphe, le mode de reproduction le plus fréquent.

Passons maintenant à l'observation en milieu aqueux, comme décrite dans l'ouvrage de Coupin. Je suis les instructions comme un livre de recette. Sur une lame de verre, je dépose une goutte d'eau dans laquelle je place un petit prélèvement de moisissure et je recouvre délicatement d'une lamelle. Je place le tout sous l'oculaire de la loupe, au zoom 2,5X.
On voit très bien les sporocystophores, réunis à leur base au niveau du rhizoïde et se terminant par un sporocyste. Au centre du sporocyste on voit une zone sphérique claire, la columelle, surmontée par une chevelure noire, les spores. Deux grosses bulles d'air ont été emprisonnées par la moisissure.




Toujours à la loupe binoculaire, au zoom maximal (4,5X) :
- le "racines" du rhizoïde en haut à gauche ;
- le sporocystophore, sur la diagonale de l'image, de couleur marron et dont la teinte s'éclaircit au fur et à mesure qu'on s'éloigne du rhizoïde ;
- le sporocyste en bas à droite, avec la sphère claire de la columelle au centre. Elle contient une zone sombre en son sein. Tout autour, les spores. La membrane externe du sporocyste ne semble pas rompue.




Je passe la lame sous l'objectif 4X du microscope. Le grossissement le plus faible du microscope est quasiment le même que le plus fort grossissement de la loupe et donne une image plus nette. On retrouve les même structures. Les filaments des stolons sont blancs alors que ceux des sporocystophores sont bruns. On voit que la zone sombre visible au centre des columelles est en réalité un amas de spores.




Les filaments mycéliens sont clairs. Leur couleur s'assombrit par intermittence. Ils se ramifient par endroits. Le fond de la lame est parsemé de spores (photo au microscope, objectif 4X).




Deux sporocystes à l'objectif 10X. Le fond du champ est parsemé de spores. On voit un stolon passer en arrière, transparent comme un tube de verre.




Détail d'un rhizoïde à l'objectif 10X. On voit bien les ramifications qui ressemblent beaucoup aux racines d'une plante. Mais à la différence de racines, le rhizoïde n'a aucun rôle nutritionnel et ne sert qu'à fixer le mycélium au substrat. Quatre sporocystophores, de couleur brune, partent vers le haut. Une 5ème branche, part en haut à droite, sans coloration. C'est un stolon. Il y a une grosse bulle d'air sur la droite.




Quelques filaments mycéliens, toujours sous l'objectif 10X. On voit qu'ils se ramifient. Ils n'ont pas de couleur particulière mais semblent contenir une substance qui est plus foncée par endroits.




Je me déplace un peu derrière l'objectif 10X. Ici, un filament mycélien avec des ramifications naissant régulièrement. Son contenu est un peu plus foncé, hétérogène, mais reste toujours bien plus clair que le sporocystophore. À droite, une columelle et quelques restes de spores en train de se détacher par grappes.




Détail d'un sporocyste à l'objectif 10X. Le sporocystophore descend de la gauche. On voit bien sa couleur s'éclaircir progressivement. La pigmentation semble due à une substance brune qu'il contient, hétérogène, et qui se raréfie en distalité. Son renflement terminal forme la columelle, sphérique et froissée. Elle contient quelques spores au centre. Tout autour s'agglutinent des centaines de spores, sans membrane périphérique pour les retenir.




Dernière photo à l'objectif 10X, avec un pêle-mêle de ce qu'il y a à voir. Plusieurs filaments s'entrelacent. Le plus brun en haut est un sporocystophore. Il se termine par une columelle, vide et fripée. Il y a une autre columelle en dessous. Elle s'est rompue et déverse son contenu, un fluide laiteux et hétérogène qui trouble le milieu aqueux extérieur. D'ailleurs son sporocystophore est beaucoup plus clair, partiellement évidé de la substance qui lui donne sa couleur. Les autres filaments visibles sont plus clairs encore, c'est du mycélium.
De nombreux spores apparaissent dans le champ, soit regroupés en amas comme sur la gauche de la photo, soit éparpillés aléatoirement, comme sur la droite.




Je passe maintenant à l'objectif 40X du microscope. Zoom sur un filament mycélien. C'est une structure cellulaire tubulaire, possédant une fine membrane plasmique. À l'intérieur, le cytoplasme contient des réserves de glycogène et de lipides bien visibles sur la photo ci-dessous, sous la forme de vacuoles et d'hétérogénéités. C'est cette substance protoplasmique qui trouble le milieu aqueux lorsque la cellule se brise.




Par endroits, le protoplasme est beaucoup plus épais.




Les filaments mycéliens mesurent 15 à 20 µm de diamètre. Ils se ramifient.




Le sporocystophore est plus épais, avec un diamètre de 30 µm. Il est finement vacuolisé et malgré sa couleur bien plus foncée, son contenu semble moins hétérogène que celui du stolon.




Toujours à l'objectif 40X, je détaille les spores. Ils ressemblent à des petits citrons verdâtres, de 8 à 12 µm de long. Leur paroi externe présente de fines stries longitudinales en relief.




En modifiant la focalisation, on peut détailler l'intéreur des spores. Elles contiennent plusieurs inclusions : des vacuoles et des vésicules qui sont des sphérosomes lipidiques et protéiques.




Une columelle à l'objectif 40X. Sa membrane est froissée. Elle contient une centaine de spores au centre, mais c'est surtout à l'extérieur que des milliers de spores s'agglutinent.




Et voila, j'ai terminé ! C'était une observation inédite qui m'a encore beaucoup intéressé. Il faudra que j'essaie de faire pousser d'autres sortes de moisissures en changeant de substrat.


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