01/05/2015 : une mue d'éphémère


Aujourd'hui, pas de travail ! Sous la douche du matin, mon esprit flâne avec une inhabituelle liberté, quand mes yeux s'arrêtent sur un petit insecte posé en hauteur sur le carrelage de la salle de bain. Ça fait déjà plusieurs jours que je l'ai repéré sans trop y prêter d'attention, on ouvre régulièrement la fenêtre pour ventiler et cette bestiole n'a pas l'air bien agressive. À vrai dire, elle n'a pas du tout bougé depuis que je l'ai vue et je me demande même si elle n'est pas déjà morte. Son immobilité m'intrigue, alors je me décide à escalader la baignoire pour voir cette chose de plus près.

Ma présence ne la dérange pas, elle a effectivement bien l'air morte. Je prends une petite photo.




3 paires de pattes, c'est bien un insecte. Il y a 2 longues queues et pas d'ailes. Je la récupère sur une lamelle. Sa rigidité cadavérique confirme mes soupçons.
Ça me donne vraiment envie de la regarder de plus près...




Je la mets sous la loupe... Fantastique ! C'est une enveloppe vide, une mue !
Le spectacle est magnifique, tout en transparence, beauté bien difficile à rendre en photo.

Ci-dessous une vue au zoom 0,7X.




Je prends le temps de feuilleter mon petit livre sur les insectes... Je l'ai trouvé, c'est un éphémère !
Les éphéméroptères, appelés communément éphémères ou « mouches de mai » (on peut dire qu'aujourd'hui le terme est opportun !), sont un ordre d'insectes aux téguments mous et au vol médiocre, avec des caractères primitifs comme l'impossibilité de rabattre leurs ailes sur leur corps (paléoptères). En effet, ils sont apparus il y a environ 300 millions d'années, ce qui fait d'eux les plus anciens insectes ailés de la planète encore vivants.

Les larves sont aquatiques. Elles vivent suivant les espèces de quelques mois à quelques années. À la fin de cette phase, le passage à la forme adulte (= imago) est marqué par une étape intermédiaire entre la larve et l'imago. Ainsi, la larve de dernier stade, arrivée au terme de son développement donne naissance à une forme ailée semblable à l'insecte définitif : le subimago. Ce dernier ne vit que quelques heures et effectuera une mue supplémentaire pour donner l'imago. Les imagos ont également une vie brève, uniquement consacrée à la reproduction. Ils ne se nourrissent pas et n’ont d’ailleurs ni pièces buccales, ni tube digestif. Ils meurent rapidement, d'où leur nom.

De plus, j'apprends sur mon livre qu'il s'agit une femelle. En effet, les mâles ont les pattes antérieures plus longues que celles des femelles et portent une paire de forceps à l'extrêmité de l'abdomen. Ici, pas de forceps, et les pattes sont toutes de même longueur.

En d'autres termes, je suis en train d'observer l'exuvie du subimago d'un éphémoptère femelle.

Malheureusement, je n'en saurai pas plus, notamment pas moyen de connaître le genre ou l'espèce car leur classification fait appel à des critères qui ne sont plus visibles ici, comme l'aspect des ailes.


En grossissant davantage (zoom 2,5X), on voit bien le thorax scindé en 2 sur la ligne médiane, et j'imagine la scène où le nouvel insecte s'en échappe.




Toujours à la loupe binoculaire, au zoom 1,2X, j'incline la lame à 45°. La partie postérieure du thorax est noircie par rapport au reste de l'enveloppe. On découvre, appendue à cette zone sombre, une sorte de bille verte qui attire l'attention.




Je retourne l'insecte de l'autre côté pour mieux observer ce détail. On dirait une perle en résine. Sa couleur est d'autant plus surprenante que le reste de la cuticule est gris. Après quelques recherches sur internet, il s'agit probablement d'un reste d’hémolymphe libéré à l'émergence.




La même vue au zoom 2,2X.




Au même grossissement, par une vue postérieure, on constate que les parties sombres sur les flancs du thorax sont faites d'une substance sèche et noire contenant des poils. Cette dernière correspond aux ailes du subimago qui ont mué et se sont ratatinées en séchant. Les ailes sont souvent velues à ce stade.




Les antennes sont visibles ci-dessous au zoom 3X. Elles se retrouvent dans le cas présent en position ventrale, mais sont normalement dirigées vers l'avant chez l'insecte vivant.




Au grossissement maximal (zoom 4,5X), les pattes ont une texture différente suivant les régions.
Ci-dessous, une photo de la jonction fémur-tibia montre au niveau fémoral une texture granuleuse parsemée de petits points sombres.




Alors qu'au niveau du tarse, on observe une texture plus râpeuse faite en apparence de poils. On voit bien sur cette vue les 2 griffes terminant le tarse.




Je confirmerai un peu plus tard, au microscope, qui s'agissait bien de poils (objectif 10X).




L'abdomen, composé de plusieurs segments s'emboîtant les uns dans les autres, possède un peu la même texture qu'au niveau fémoral, granuleuse et tachetée. Ici à la loupe, au zoom 4,5X.




L'abdomen au microscope, à l'objectif 4X.




Puis 10X...




Et enfin au 40X, qui permet de comprendre qu'il y a 2 sortes de poils. D'abord, on voit des petits poils avec une extrémité renflée en baguette de tambour et recourbée en crochet. Ce sont les plus nombreux et ils donnent cette texture "granuleuse" visible aux plus faibles grossissements. Mais il y a aussi une autre catégorie de poils, plus longs, droits et pointus à leur extrémité. Ces derniers sont centrés à leur base par un petit anneau foncé, comme un pore de peau, donnant l'aspect moucheté sur les photos précédentes.




L'abdomen se termine par 2 longs appendices, appelées des cerques. À la loupe au zoom 4,5X, on voit très facilement qu'ils sont recouverts de nombreux poils. Ils sont plus longs et plus épais que sur le reste du corps.




La même vue au microscope, à l'objectif 4X.




À l'objectif 10X, on voit que les cerques ne sont recouverts que par des poils de la 2ème catégorie (piquants et avec un pore à leur base).




À l'objectif 40X, le spectacle est effrayant !




C'était une observation intéressante ! La prochaine fois j'essaierai d'en attraper un vivant.


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